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Dorothea Lange. Politiques du visible // Paris // 16-10-2018 au 27-01-2019


Présentant des œuvres majeures de la photographe américaine de renommée mondiale Dorothea Lange (1895, Hoboken, New Jersey ; 1966, San Francisco, Californie), dont certaines n’ont jamais été exposées en France, l’exposition « Dorothea Lange. Politiques du visible » est articulée en cinq ensembles distincts. Ceux-ci mettent l’accent sur la force émotionnelle qui émane de ces photographies ainsi que sur le contexte de la pratique documentaire de la photographe. Plus d’une centaine de tirages vintage, réalisés de 1933 à 1957, sont mis en valeur par des documents et des projections qui élargissent la portée d’une œuvre déjà souvent familière au public grâce à des images emblématiques de l’histoire de la photographie comme White Angel Breadline (1933) et Migrant Mother (1936, photo ci-dessus). Les tirages exposés appartiennent pour l’essentiel à l’Oakland Museum of California, où sont conservées les archives considérables de Lange, léguées par son mari Paul Schuster Taylor et sa famille. À l’instar du célèbre roman de John Steinbeck paru en 1939, Les Raisins de la colère, l’œuvre de Dorothea Lange a contribué à façonner notre vision de l’entre-deux guerres aux États-Unis et à affiner notre connaissance de cette période. Mais d’autres aspects de sa pratique, qu’elle considérait comme archivistique, sont également mis en avant dans l’exposition. Resituant les photographies de Lange dans le contexte de son approche anthropologique, l’exposition offre au public la possibilité de comprendre que la force de ces images s’enracine également dans les interactions de la photographe avec son sujet, ce qui se manifeste à l’évidence dans les légendes qu’elle rédige pour accompagner ses photographies. Lange a ainsi considérablement enrichi la qualité informative de ses archives visuelles, produisant une forme d’histoire orale destinée aux générations futures. En 1932, pendant la Grande Dépression débutée en 1929, Lange, observant dans les rues de San Francisco les chômeurs sans-abris, abandonne son activité de portraitiste de studio, la jugeant désormais inappropriée. Au cours de deux années qui marquent un tournant dans sa vie, elle photographie des situations qui décrivent l’impact social de la récession en milieu urbain. Ce travail novateur suscite l’intérêt des cercles artistiques et attire l’attention de Paul Schuster Taylor, professeur d’économie à l’université de Californie à Berkeley. Spécialiste des conflits agricoles des années 1930, et plus particulièrement des travailleurs migrants mexicains, Taylor utilise les photographies de Lange pour illustrer ses articles, avant que les deux ne travaillent ensemble à partir de 1935 au profit des agences fédérales instituées dans le cadre du New Deal. Leur collaboration durera plus de trente ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Lange pratique sans discontinuer la photographie, documentant les problèmes majeurs de l’époque, notamment l’internement des familles nippo-américaines, les évolutions économiques et sociales imputables aux industries engagées dans l’effort de guerre, la justice pénale vue par le truchement du travail d’un avocat commis d’office.


Si les images emblématiques prises par Dorothea Lange durant la Grande Dépression sont bien connues, ses photographies des Américains d’origine japonaise internés durant la Seconde Guerre mondiale n’ont pas été publiées avant 2006. Présentées ici pour la première fois en France, elles illustrent parfaitement comment Dorothea Lange a créé tout au long de sa carrière des images aussi intimes qu’émouvantes visant à dénoncer les injustices et infléchir l’opinion publique. Parallèlement aux tirages exposés, différents objets ayant appartenu à la photographe, notamment des planches-contacts, des carnets de notes prises sur le terrain et diverses publications, replacent son travail dans le contexte de cette période troublée. L’exposition du Jeu de Paume ouvre une nouvelle perspective sur l’œuvre de cette artiste américaine de renom, dont l’héritage demeure vivant aujourd’hui encore. Tout en soulignant les qualités artistiques et la force des convictions politiques de la photographe, elle invite le public à redécouvrir l’œuvre de Dorothea Lange et son importance capitale dans l’histoire de la photographie documentaire.

(Présentation de l'exposition)

Musée du Jeu de Paume, Concorde, Paris

Mardi de 11h à 21h ; du mercredi au dimanche de 11h à 19h. Fermeture le lundi, y compris les lundis fériés Accès par le jardin des Tuileries, escaliers côté rue de Rivoli. Accès aux personnes handicapées, en voiture par l'entrée Pont de Fer



Citations

Il faudrait vraiment utiliser l’appareil photo comme si l’on devait être frappé de cécité demain. Vivre une vie consacrée au visible, c’est une entreprise considérable, quasiment inaccessible, mais quand on parvient à produire de bonnes photographies, c’est dans cette direction-là qu’il faut aller. Je n’ai fait que l’effleurer, à peine l’effleurer. (Entretien avec Lange, in Dorothea Lange, Part II : The Closer For Me, film produit par la KQED pour la National Educational Television (NET), États-Unis, 1965)


Souvent, il suffit d’être là, de rester dans les parages et de regarder, pas de plonger dans un nuage de poussière et d’en resurgir ; s’asseoir par terre avec les gens, tout en laissant les enfants examiner l’appareil photo avec leurs petites pattes crasseuses, mettre leurs doigts sur l’objectif, et on les laisse faire, parce que l’on sait que si on se montre généreux, on sera très disposé à le recevoir. (Anne Whiston, Spirn, Daring to Look, p. 24)


Je ne vole jamais une photo. Jamais. Toutes mes photographies sont réalisées en collaboration, car elles font partie de leur réflexion comme de la mienne. (Ibid., p. 23)

Ma façon d’aborder les choses repose sur trois considérations. D’abord, pas touche ! Quel que soit le sujet photographié, je n’agresse pas, je ne falsifie pas et je n’organise pas les choses. Ensuite, le sentiment du lieu. Quelque soit le sujet photographié, je m’efforce de le représenter comme faisant partie de son environnement, comme ayant des racines. Enfin, la notion du temps. Quel que soit le sujet photographié, je m’efforce de le montrer comme ayant sa place dans le passé ou dans le présent. (Beaumont et Nancy Newhall, Masters Of Photography,

New York Castle Books, 1958, p. 140)


Une bonne photographie, ce n’est pas l’objet. Les objets, ce sont les conséquences de la photographie. (Dorothea Lange, citée in Karen Tsujimoto, Dorothea Lange : Archive of an Artist, Oakland, Oakland Museum, 1995, p. 23)


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