Côté jardin

​

​- Dis-moi, à quoi ressemble ta vie ?

- C’est souvent comme un ouragan qui me secoue en tous sens et m’emporte loin de moi.

- Alors, il te faut apprendre. Par toi-même, en toi-même, si tu veux te reprendre.

- Apprendre quoi ?

- A trouver le centre pour t’y tenir dans le calme absolu.

- En faisant quoi ?

- Oublie les appels superflus qui agitent et entraînent. Interromps les distractions du monde pour accomplir, là où tu te trouves, ce que tu as simplement à faire. Sans autre projet que l’accomplissement du geste et de l’instant. Et dans la plénitude de cet accomplissement. Contente-toi d’être ici et maintenant en toute innocence.

- Comme l’agneau de la fable ? Qui, quoi qu’il fasse ou dise, aura toujours tort d’avoir raison ? Et que le plus fort bouffe ?

- Non, comme celui qui sait que l’agneau et le loup sont en lui mais qu’il peut apprendre à apaiser leur querelle. Tout ne se résume pas à une lutte sans fin entre le civilisé et le sauvage. À des rapports de forces, de pouvoir, à une joute inégale entre bonne foi et mauvaise foi, à une question d’appropriation des biens terrestres.

- Tu crois ?

-  Tu marches sur le chemin. Ce qui est là, devant toi, autour de toi, au-dessous ou au-dessus de toi n’appartient à personne. Mais, pendant que tu ne fais que passer, c’est à toi. Laisse-toi pénétrer par toutes ces choses qui n’ont d’autre raison d’être que ce qu’elles sont. Regarde, écoute, sens, touche. Emerveille-toi. Eveille-toi à leur beauté sans te poser la question de leur utilité. Cueille les instants successifs qu’elles t’offrent et jouis des échos qui se répercutent en toi. Ne cherche pas d’inutiles réponses. Elle est là l’innocence, dans l’enfance de l’art et de la poésie.

- Et après ? Qu’est-ce que je fais de toutes ces choses, de tous ces instants ? Ils sont fragiles, éphémères. Comment m’aideront-ils à contrer les réalités et leur emprise ?

- Trop d’impatience te pousse à vouloir conclure. Ne cherche pas trop tôt la sortie et la leçon. Continue de marcher dans le jardin, tu verras bien…

​

Alain