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De Bretteville à Belleville

Le voyage à Paris, autour de l'exposition "Willy Ronis par Willy Ronis", assorti d'une promenade photographique dans le quartier de Ménilmontant-Belleville, s'est passé dans des conditions agréables. Météo favorable, « été indien », programme réalisé dans son ensemble par rapport à ce qui était souhaité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le club a eu raison de recommander la rétrospective du grand photographe (Cf. nos « Actualités », "Le Club recommande"). Ce qu’elle donne à voir est propre à combler les plaisirs des yeux, de la connaissance, de l'intelligence et des émotions. C'est l'avis sans réserve des six du club qui seraient restés dans les salles du Pavillon Carré de Baudouin une heure de plus, tant il y a à admirer, à comprendre, à réviser, à apprendre. Et à méditer. Tant sur le plan du regard que sur ceux de la pratique et de l'art. Icônes et leçons d'un Maître qui jamais ne se donne pour tel. En témoignent les vidéos sur les écrans, les tablettes tactiles. Les six auraient volontiers paressé sous les ombrages du jardin, face à la blancheur du péristyle, de la colonnade ionique du pavillon. S’ils avaient prévu un pique-nique.

Plaisir aussi – après le repas dans une brasserie au décor composite, quasi « dada »,  de la rue des Pyrénées – de confronter les images du Belleville populaire d’autrefois prises par Ronis (1910–2009, parcours humaniste de près d’un siècle) et celles de la réalité traversée ce jeudi-là dans le lacis des rues en pente, du monde vivant, mélangé du quartier d'aujourd'hui. Quartier panaché de passé et de modernité, creusé d’îlots vieillots, villageois, parfois déglingués, résistant aux nouveaux blocs conquérants. Quartier tatoué, dirait-on, livré dans ses voies étroites à la liberté anarchique, à l’imagination de mille inventeurs. Partout aux façades, aux devantures, aux pignons, sur les murs aveugles, sous les toits, au-dessus des portes, dans les entrées d’immeubles, des tags, des fresques, des graffs, des mosaïques, des pochoirs issus d’un art urbain foisonnant, sans filtre, sans retenue.

Autre plaisir, presque au bout de la longue marche, dans la lumière de fin d'après-midi, de voir se déployer les formes, les silhouettes, les plans de Paris aux nuances voilées de gris. Comme une offrande au belvédère du Parc de Belleville. Tandis que les gens se prélassaient, lisaient, allongés sur les pelouses étagées plus bas, descendaient et montaient sous les arches de verdure du grand escalier ou suspendaient le temps à la terrasse d'un bistro sur le tertre derrière nous. Nous l’avons fait traîner, ce plaisir, parmi les solitaires contemplatifs, les groupes tchatcheurs, les amoureux dans leur bulle, les flâneurs rassasiés, les collégiens en goguette, les vieux du quartier posés sur un banc pour recharger leurs piles...

Enfin, au retour vers la gare Saint-Lazare, dernier plaisir, le trajet en métro aérien. Sur la ligne 2,  Colonel Fabien, Jaurès, Stalingrad, La Chapelle, Barbès-Rochechouart, Anvers, Pigalle, Blanche… Plaisir de voir filer entre les arceaux des poutrelles, entre deux éclats du soleil, du haut des viaducs de fer, les images animées du Paris populaire que nous quittions. L’œil du photographe reste aussi plein des photos qu’il n’aura pas prises que de celles qu’il garde enfermées dans l’appareil.

Alors, d’une journée parfaite, rien à redire ?

Si, une heure et demie d’attente le matin à la gare de Caen. Et l’arrivée à Paris à onze heures et demie au lieu de dix heures. Le temps, pour tromper l’immobilité forcée, d’ironiser sur les « bugs » à répétition de la SNCF. Et de mettre en boîte l’organisateur. Ça commence bien ! C’était la peine de nous réveiller si tôt ! Vous êtes sûrs qu’on arrivera à l’heure pour prendre le 18h09 ce soir ? On aurait mieux fait de choisir le bus, ça nous aurait coûté moins cher que le billet « tribu » ! Avant de se mordre la langue un peu plus tard, apprenant qu’il y avait eu, comme a dit  le contrôleur, « un incident de personne » sur les rails du côté de Mondeville. Avant de savoir le lendemain que l’incident en question relevait d’une actualité brûlante, navrante. Un migrant qui cherchait à rejoindre Ouistreham à la faveur de la nuit avait été percuté par le train en traversant les voies. Le destin de celui dont on n’a rien dit de plus, dont le nom est « personne », jette une ombre sur cette journée pleine de lumière.

Une ombre qu’aucun logiciel de retouche ne parviendra à déboucher.

 

Le 18 octobre 2018

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