Documentaire d'Avani Rai, 2017, 55 mn, diffusé sur Arte.
Enfant, Raghu Rai, rêvait d’être musicien. Mais, faute de résultats, il abandonne son violon et son harmonica, s’empare d’un appareil photo et devient l’un des photographes les plus respectés du pays. Découvert à ses débuts par Henri Cartier-Bresson, Raghu Rai a intégré l’agence Magnum avant de poursuivre une carrière internationale. Il a ainsi photographié des personnalités politiques et religieuses, d’Indira Gandhi à Mère Teresa en passant par le 14e dalaï-lama. En 1984, ses clichés sur la tragédie de l’usine Union Carbide à Bhopal (six cent mille personnes intoxiquées et huit mille morts) font le tour du monde. Aujourd’hui, le photographe, 76 ans, petit smartphone ou gros objectif au poing, continue de parcourir son pays, et de retourner à la rencontre de peuples qui l’ont bouleversé, dans les montagnes de l’Himalaya notamment.
« Quand j’étais enfant, mon père me prenait tous les jours en photo. Il avait son appareil comme s’il faisait partie de lui. Il exprimait ses émotions uniquement à travers l’objectif », explique Avani Rai, fille de Raghu, qui signe ce très beau portrait. Marchant dans les pas de son père — qu’elle a suivi dans le viseur durant six années —, Avani Rai entame un dialogue sur la photographie, sous les encouragements paternels, comme sous les tombereaux de reproches. La tâche n’est pas aisée, le photographe se montre insaisissable et pointilleux dès qu’il est question d’images ou de cadrage. Aux frontières de l’intime et du professionnel, cet échange père-fille révèle une Inde en pleine transformation, et délivre un vibrant hommage à la nature et aux « sentiments des arbres ». Il parle, elle écoute. « La photographie, ce n’est pas mon métier, c’est ma passion, c’est ma folie », déclare Raghu. Une folie et une obsession que sa fille restitue tout au long de ce film sensible.
Critique d'Emmanuelle Skyvington (Télérama n°3575 du 18/07/2018)
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